Tobby - le batteur des îles
- bijounicoleb2
- 25 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 août
(Narration : Sally) - choriste des Seventeen's
Il y a des gens, tu les entends parler pendant des heures et tu ne sais toujours pas qui ils sont.
Et puis, il y a Tobby.
Tobby, tu le connais vraiment le jour où tu t’aperçois qu’il a encore perdu ses godasses.
Ce n’est pas qu’il est tête en l’air. Non. Au contraire, c’est qu’il a la tête à la bonne place.
Lui, il écoute autrement.
Il écoute le sol. Le gravier. L’humidité de l’herbe. Le froid brûlant de la neige. La douceur de la callune. Le craquement du bois.
Il dit rien, mais parfois, je le vois fermer les yeux et retrouver l’odeur de l’île où il a grandi.
Il a beau être Irlandais, je crois bien qu’il n’a jamais mis les pieds (sans chaussures évidemment) ailleurs que dans les îles sous le vent et l’Écosse.
Son père était militaire, raide comme la justice.
Mais Tobby… c’était un gosse en liberté. Il n’avait pas de mère, ou plutôt, il en avait trop.
Il était le chouchou de la caserne. Il ne dormait jamais dans son lit.
Il enlevait ses chaussures dès qu’il pouvait, pour sentir le sable sous ses orteils. Et il les oubliait.
Alors, toutes ses mères adoptives - les femmes des militaires sous les ordres de son père - lui prêtaient les godasses de leurs mômes pour pas que son père le batte.
Mais c’était jamais la bonne pointure.
Alors, déjà qu’il supportait pas les siennes de chaussures… imagine un peu celles des autres.
Et aujourd’hui encore, il fait pareil.
T’imagines pas combien de fois il est entré en scène pieds nus…
Combien de fois on a retrouvé ses foutues godasses dans la grosse caisse ou planquées dans le matos technique.
Même à l’hôpital.
La fois où Darren s’est réveillé pour de bon, on était tous là, silencieux.
Et lui, ce grand couillon, il avait encore oublié ses chaussures dans le couloir.
Il a regardé Darren, puis il m’a regardée moi, et il a dit :
- Il va falloir qu’on rejoue. Il nous attend.
Et il a pas dit un mot de plus. Il est sorti pieds nus.
Mais je sais qu’il avait les larmes aux yeux.
Faut dire que Tobby, il a la musique dans le sang, les os, la peau, et que sa batterie… il peut pas vivre sans.
C’est le cœur rythmique du Clan.
Il bosse dur, boit des litres de café noir, et déteste les solos, sauf quand on l’y pousse.
Alors là, il balance une rythmique qui réveille les ancêtres.
Il parle pas beaucoup, mais ses silences sont pleins d’observations.
Et son regard, souvent plissé par le rire ou le doute, capte tout ce que les autres taisent.
Son rire… Quand il éclate, il contamine tout le groupe, même moi.
Ce rire-là a ressoudé les Seventeen’s après une dispute mémorable entre Kyle et John, en 2017, à Inverness.
Ils allaient s’envoyer les guitares à la tête.
Tobby a renversé sa cafetière sur ses foutues godasses posées juste devant, et s’est écroulé de rire.
Tout le monde a suivi. Même John. Même Kyle.
Darren a levé les yeux au ciel… et il est parti refaire du café.
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